Quand on observe avec recul ce que les élèves vivent à l’école classique, on s’aperçoit d’une chose très étrange : ils passent leur temps à accumuler des savoirs académiques sans jamais découvrir le monde.

Après avoir accumulé des informations pendant 15 ans dans des salles de classes, ils passent un examen qui teste s’ils ont retenu assez de choses, à l’issue duquel on leur annonce : “Voilà, ça y est, tu es autonome et responsable. Tu vas pouvoir choisir ta voie et t’envoler vers le monde du travail. Tu es prêt !”

Sauf que non. Ils ne sont pas prêts DU TOUT ! Voici pourquoi :

  1. Ils ont oublié l’immense majorité de ce qu’ils ont appris, aussitôt les contrôles passés.
  2. Une bonne partie du contenu vu en classe est inutile pour réussir dans la vie (quel que soit le sens que l’on donne au terme “réussir”).
  3. Ils ne connaissent rien au monde du travail : combien de métiers ont-ils découverts durant toutes ces années passées à l’école ?
  4. Ils ne se connaissent pas eux-mêmes : combien d’activités, de sports ou de hobbies ont-ils pu expérimenter ? Ont-ils eu l’opportunité de découvrir leurs intérêts, leurs qualités, leurs rêves ?
  5. Ils ne savent pas comment gérer leurs émotions ni leurs relations aux autres : quelle diversité d’interactions sociales ont-ils vécue ? Ont-ils eu l’occasion de créer ensemble, de jouer, de coopérer, de s’entraider ? Leur a-t-on inculqué les enseignements des études sur le bonheur ? Comment peuvent-ils “réussir” si on ne leur explique même pas les bases d’une vie épanouie ?

Pas étonnant que notre société soit si dépressive et en tel manque de repères. Le problème est flagrant : nos priorités sont complètement ignorées. Il est absurde de devoir apprendre « le rôle des sanctuaires panhelléniques du monde Grec au Vème siècle » quand on a seulement 11 ans et qu’on cherche encore sa place dans son cercle d’amis (oui, c’est au programme de 6ème).

 

L’école doit repenser sa vision de l’humain

 

Mais pourquoi un tel gouffre entre les besoins réels des enfants et ce qu’on leur propose ? C’est simple : l’école a une vision passéiste et archaïque de la réussite. Cette vision est la suivante :

Réussir = avoir un métier

 

Tout ce qui ne rentre pas dans cette équation n’a pas sa place à l’école.

Les notions de vie sociale, d’épanouissement, d’objectifs personnels et de valeurs sont ignorées, et même étouffées. Elles sont étouffées car quand les journées sont remplies de leçons et de devoirs à la maison, on n’a pas de temps pour s’occuper du reste. Et surtout, on ne sait pas que le reste existe.

Pourtant, s’il y a bien une chose que l’école devrait enseigner, c’est comment vivre heureux, non ? A quoi bon passer toutes ces années sur les bancs si c’est pour finir déprimé au travail et sans confiance en soi ? Heureusement, grâce aux nombreuses études qui ont été réalisées sur les causes du bonheur et de la réussite, nous savons aujourd’hui ce qui mène à une vie riche et accomplie. Mais quand on regarde ces études, on voit que l’école s’y prend à l’envers.

Aujourd’hui, durant notre scolarité, on apprend une poignée de matières académiques pendant des milliers d’heures, et on en ressort sans vraiment connaître le monde, et sans se connaître soi-même. On doit alors faire un gros travail de recherche pour savoir ce qui pourrait bien nous convenir, à 18 ans ou plus, en espérant trouver rapidement quelque chose qui nous plaise. Bien souvent on choisit une voie par défaut et on ne découvre jamais ses vrais intérêts. On finit alors dans un métier et une vie qui ne nous conviennent pas (d’ailleurs la France est le pays d’Europe où les gens aiment le moins leur travail).

Et si on inversait tout ça ?

Et si, au lieu d’apprendre des tonnes de choses purement scolaires puis de devoir chercher par la suite ce qui compte vraiment pour nous, on découvrait d’abord le monde pour ensuite approfondir ce qui nous intéresse ?

Ha.

Dis comme ça, c’est évident, non ?

 

Changer le rôle de l’école

 

Oublions les programmes et les notes. Tout ça, c’est fini. La société a évolué. L’école doit être un espace de découverte. Laissons les enfants expérimenter la vie, les hobbies, les jeux, les relations sociales, les arts, les sports, les métiers, etc. Cette phase de découverte leur permettra de trouver les choses qui les intéressent, et ils pourront s’y plonger à 100% quand ils seront prêts. C’est à ce moment là qu’ils se mettront à apprendre, et pas avant !

En clair, voici l’expérience que vivent de plus en plus d’élèves à l’école :

  1. On apprend des matières académiques à longueur de journée.
  2. On se rend compte qu’on ne sait pas ce qu’on veut faire ni comment être épanoui.
  3. On rame pendant des années voire toute sa vie parce qu’on n’a pas trouvé sa voie.

Et voici l’expérience qu’ils devraient vivre si l’école était bien pensée :

  1. On découvre et on expérimente librement un maximum de choses dans un environnement riche et stimulant.
  2. On trouve des hobbies et des passions, académiques ou non. Et on peut y mettre autant de temps que nécessaire.
  3. On développe l’un de ses intérêts (ou plusieurs) et on en fait sa vocation.

C’est du simple bon sens.

 

Arrêtons d’apprendre “au cas où”

 

Il est absurde de mémoriser des choses à la chaîne sans savoir si on en aura besoin un jour. Pire que ça, c’est néfaste, car en forçant les enfants à apprendre ce qui ne les intéresse pas, on tue leur curiosité. Arrêtons d’apprendre “au cas où”. Le nombre d’heures perdues à suivre des cours qui ne nous serviront jamais est un immense gâchis pour l’humanité. Certes, parfois on retient des choses utiles, mais si on passait tout ce temps à découvrir librement et à approfondir nos intérêts, on développerait bien mieux notre potentiel.

L’idée n’est donc pas de dire que l’école ne nous apprend rien d’utile, mais que toutes ces heures seraient bien mieux utilisées autrement. Nous sommes à l’ère de l’information, et nous pouvons tout apprendre, à tout moment. Il est aujourd’hui bien plus logique d’apprendre une chose seulement quand on en a besoin que de l’apprendre préventivement.

En résumé, plutôt que d’accumuler bêtement des savoirs pendant 15 ans et de finir perdus et désabusés, les enfants devraient pouvoir découvrir le monde, développer leur personnalité et cultiver les bases d’une vie heureuse. C’est dans ces conditions qu’ils ont le plus de chances de trouver ce qui leur convient le mieux, de s’y investir avec une vraie motivation et d’en faire une carrière professionnelle réussie.

Si tout cela n’est pas encore évident pour tout le monde, ça le sera dans quelques années, quand l’apprentissage personnalisé en ligne sera devenu la norme. Dans un monde où les métiers changeront constamment, se connaître soi-même sera un prérequis essentiel. En attendant, prenez 5 minutes pour imaginer tout ce que vous auriez pu faire, vous, si vous aviez eu tout votre temps libre durant votre scolarité. Qu’auriez-vous pu devenir ?

Et si on donnait cette chance aux enfants ?