Où aller ?

A l’école, j’étais plutôt bonne élève et ne remettais jamais en cause le modèle traditionnel. Selon mes parents, il suffisait d’écouter le professeur et de lui obéir. Et si on avait de mauvaises notes, c’est qu’on était fainéant. Je vivais dans cette croyance que les choses étaient ce qu’elles étaient pour de bonnes raisons.

On ne m’a jamais expliqué ce qui m’attendait après les études. Je pensais donc qu’on me montrerait mes options à la fin du lycée et que ce serait simple. Alors, je me suis contentée de suivre la routine imposée : contrôles, récits par coeur, interrogations surprises (l’angoisse !), en classe à 8h, récré à 10h15, pause déjeuner à 12h… bien chronométré, bien cadré. Dring ! C’est la sonnerie tant attendue.

Pas de temps pour se poser, se découvrir, essayer.

Et c’est comme ça qu’à 18 ans, après un parcours sans faute jusqu’en terminale littéraire (les parents sont contents), je me retrouve en plein mois du bac à devoir choisir quoi faire de mon avenir.

 

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Et comme il fallait choisir : “Tiens, études d’arts du spectacle ? Ça a l’air sympa. »

Une décision prise en cinq minutes après avoir lu la page du programme sur le minitel (véridique). J’étais rassurée, je rentrais de nouveau dans un cadre, il n’y avait plus qu’à suivre le chemin.

En 3ème année de fac, je choisis la spécialité « cinéma ». Puis, à la toute fin de la 4ème année, un enseignant nous annonce que les débouchés sont très minces et que la plupart des élèves qui n’ont pas déjà abandonné finissent par chercher une autre formation.

Ah.

La sensation d’avoir perdu quatre ans m’envahit. Je regarde les visages autour de moi, et visiblement je ne suis pas la seule. Seuls quelques étudiants, pour qui le cinéma représente toute leur vie, restent optimistes. Pour les autres, dont moi, c’est la douche froide.

Maîtrise en poche, je ne sais pas quoi faire de ma vie. Pire, je ne me connais toujours pas.

Vite, un nouveau cadre.

Je me réoriente pour un master en communication. Là au moins il y a du travail. Ouf, j’ai trouvé un chemin qui peut aboutir quelque part. Mais comment savoir si c’est celui qui me convient le mieux ? Après tout, sur des milliers de métiers possibles, je n’en connais qu’une poignée.

Pourquoi n’ai-je pas eu l’opportunité d’en découvrir d’autres ? Moi qui ait toujours été très curieuse, j’aurais adoré en savoir plus sur le « monde réel » (oui, car apparemment le monde des enfants n’est qu’une fiction…). Par exemple, la mythologie et l’astrophysique me passionnent. J’ai aussi fait de la guitare pendant neuf ans et je touche un peu en dessin. Ah, si tout cela avait été nourrit et chérit ! Mais ce n’était pas dans le programme, voyez.

J’ai observé le même schéma chez mon plus jeune frère : plutôt doué, mais ennuyé de l’école car « ça sert à rien » et « c’est une prison ». Il faisait partie du club de robotique, dont il a été expulsé parce qu’il n’était pas assez attentif en cours de maths. En clair, on l’a privé d’une chose qui l’intéressait sous pretexte qu’une autre ne l’intéressait pas. Ken Robinson a raison, l’école tue la créativité.

 

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« J’aime apprendre mais je déteste être forcé ! »

 

Par chance, mon frère a réussi à trouver une vraie passion, les camions, et il s’oriente vers le métier de chauffeur poids lourd, comme notre père. Ce n’est pas l’école traditionnelle qui lui a fait découvrir cette vocation. Comme quoi, l’expérience, le vécu, tout ça…

Pour ma part, j’ai été webdesigner, graphiste, planneuse stratégique, blogueuse, traductrice et directrice de communication d’une startup. J’ai commencé en autodidacte dans la plupart de ces domaines et j’y ai trouvé du plaisir. Mais j’ai toujours eu ce sentiment d’inachevé, cette question qui me taraude encore aujourd’hui : « Qu’aurais-je pu accomplir si… »

Il y a quelques années, nous nous sommes demandés avec Florent pourquoi nous n’avons pas pu découvrir et suivre nos aspirations plus tôt. Nous pensions au départ que c’était de notre faute (“on avait qu’à mieux chercher”), puis que c’était de la faute de nos parents (“ils ne nous ont pas assez poussés”), et nous nous sommes finalement rendus compte que c’est le cadre institutionnel lui-même qui empêche cet épanouissement.

Ce n’était pas de notre faute car nous faisions confiance au système. Il nous avait toujours dirigé, nous habituant à suivre les rails passivement. Comment deviner qu’il finirait par nous lâcher dans la nature sans aucune direction ni mise en garde ?

Ce n’était pas non plus de la faute de nos parents car ils pensaient eux aussi que l’école jouait son rôle.

Alors, consternés par la gravité du problème, nous avons décidé de réfléchir à des alternatives. Nous avons essayé de déterminer à quoi ressemblerait une école qui prend en compte à la fois l’humain, les avancées technologies et la société dans son ensemble. Ces recherches nous ont menés à des solutions qui existent déjà et qui peuvent-être la clé d’une société plus heureuse, dans laquelle les enfants s’épanouissent et deviennent des adultes accomplis.

C’est notre objectif avec l’Ecole Nikola Tesla : ouvrir un lieu où le bonheur règne et où les élèves peuvent se construire un futur meilleur. Nous sommes convaincus que chacun devrait pouvoir découvrir ses passions durant sa jeunesse et suivre ses vocations tout au long de sa vie d’adulte. Mais cela n’est possible que dans un cadre qui laisse une grande liberté à l’exploration. C’est pour cette raison que, dans un monde toujours plus complexe et en manque de repères, nous avons plus que jamais besoin d’écoles démocratiques.

[P.S. : Les cours d’art du spectacle, s’ils ne m’ont pas révélée, m’ont quand même permis de rencontrer mon merveilleux mari. :)]